Le proces du baron Ungern von Sternberg











tunique du baron Ungern

(quelque part en Russie)



Протокол № 55а постановления Политбюро ЦЕКА РКП от 27.VII.[19]21 года

Опрошены по телефону члены Политбюро : тт. Ленин, Троцкий, Каменев, Зиновьев, Молотов, Сталин <...>
Слушали : 29 августа с.г. 2. О предании суду Унгерна (телеграмма Предсибревкома, предложение т. Ленина)
Постановили : Предложение принять : "Обратить на это дело побольше внимания, добиться проверки солидности обвинения и в случае, если доказанность полнейшая, в чем, по-видимому, нельзя сомневаться, то устроить публичный суд, провести его с максимальной скоростью и расстрелять"<...>
Пп. секретарь Цека В. Молотов
С подлинным верно : Е. Шерлина (подпись)
РГАСПИ, Ф.17, от. 3, д. 195. л. 1.


(...)
Ont été questionnés par téléphone les membres suivants du Bureau Politique :
les camarades Lénine, Trotsky, Kamenev, Zinovev, Molotov, Staline <...>
Rapport : le 29 août (...) au sujet de la présentation devant un tribunal d'Ungern (télégramme du pdt du comité sibérien Smirnov, proposition du camarade Lénine)
Statué : la proposition suivante est acceptée :
" Accorder la plus extrème attention à cette affaire, confirmer la solidité des accusations, et dans le cas où les preuves seraient établies, ce dont on ne peut douter, organiser un procès public, l'instruire le plus vite possible, et fusiller." (...)

Compte-rendu de l'interrogatoire du prisonnier de guerre le Général Baron Ungern, commandant de la Division de Cavalerie Asiatique. 4 septembre 1921Roman Féodorovitch Ungern von Sternberg, agé de 34 ans, est issu d'une famille noble de la province estonienne (fils d'un propriétaire foncier de l'ile de Dago). Durant son enfance il réside à l'étranger ; jeune homme, sortant du corps des Cadets, il s'engage dans la guerre contre le Japon où il obtient le grade de caporal. Il entre ensuite à l'Ecole du Génie Militaire de Pétrograd qu'il quitte après quelques semaines pour l'Ecole des Cadets de Paul I-er, après quoi il intégre en qualité d'officier le 1-er régiment d'Argounst. Pendant la guerre contre les Allemands il est affecté au régiment de Narchinst de la Division de Cavalerie d'Oussourisk. Il obtient la Croix de Saint Georges après les combats en Prusse. En 1917, sous le gouvernement de Kérensky, (...) un tribunal militaire de campagne le condamne à 3 ans d'emprisonnement pour avoir rossé un adjudant, mais la révolution survient et il ne purge pas sa peine. Il quitte alors la région du front pour la Transbaikalie, zone de l'ataman Sémionov qui le charge de former la Division de Cavalerie Etrangère. Là, il bataille avec les Partisans, recevant ponctuellement des instructions de Sémionov. Le noyau de la Division Etrangère était constitué de Kharatchini, de Bouriates et de Chinois. Il obtint le grade de colonel, puis de général. En 1920, il veut aller en Autriche, sa terre natale, mais n'obtient pas le visa. Ungern considère son passage en Mongolie comme le fruit du hasard, du destin. A l'autômne 1920, Sémionov a établi un plan d'attaque de Verkhneoudinsk, et plus loin à l'ouest. Ungern avait pour mission de franchir avec sa division la chaîne de montagnes de Yablonoby et d'attaquer Troitskossavsk. En route il perdit une partie de ses soldats et dût abandonner ses canons. Quittant le secteur d'Akchinsky, Ungern apprend que Sémionov a été chassé de Tchita et il décide alors de ne pas marcher sur Troiskossavsk mais de se diriger vers la Mongolie. A ce moment il disposait de 800 hommes. (...)
Pénétrant dans le pays, Ungern décida de combattre les Chinois qu'il considérait comme des révolutionnaires (...). Son principal objectif est l'unification de tous les peuples mongols sous la direction du Khan de Mandchourie. L'idée fixe d'Ungern est de bâtir un immense état nomade en Asie Centrale, du fleuve Amour à la Mer Caspienne. (...) Le concept de base est que la race jaune doit "réveiller", puis vaincre la race blanche. Dans son esprit il n'y a pas de "péril jaune", mais un "péril blanc" dont la civilisation est un facteur de décomposition pour l'humanité toute entière. Il considère que la race jaune est plus vivace (...) et sa victoire sur la blanche souhaitable, inévitable même. Dans cette optique, Ungern ne considérait pas les Chinois comme ses ennemis et combattit en Mongolie seulement les Chinois révolutionnaires. Pour attirer l'attention des masses jaunes et des nomades d'Asie sur ses plans il envoya des lettres au gouvernement de Pékin, aux princes de Dioubedsky, au Dalai-Lama tibétain et à d'autres. Mais il n'obtint aucune réponse. Sémionov désapprouvait ces plans. (...) Le succès de ses actions contre les Chinois s'explique selon lui par le ralliement des Mongols-Tchakhar et d'autres peuplades de Mongolie de l'est et, d'autre part, par le manque de combativité des régiments chinois. Il place le soldat chinois au-dessus de son officier.(...) Ayant libéré Ourga des Chinois, il laissa toutes libertés aux Mongols pour créer leur état alors que lui-même partit vers le front de Kalgansky (...). Ungern ne se mêla pas des affaires intérieures mongoles et il portait un regard ironique sur le gouvernement mongol. Bien qu'il disposa de tous les moyens nécessaires, il justifie sa non-ingérence par un désinvolte "aucune envie".
Avec le Bogdo Khan ils se rencontrèrent 2-3 fois mais Ungern ne lui fit pas connaître ses plans en vue de l'édification d'un état nomade, le considérant comme un figure subalterne incapable de concevoir un grand dessein. Il compte pour nul le rôle joué par le Bogdo dans la formation de l'état mongol et suppose que les ministres agissaient en son nom et signaient eux-mêmes les directives. Après que fut porté un dernier coup décisif aux Chinois près de Tchoiryn-Soumé, Ungern jugea qu'il pouvait, et même qu'il devait rentrer à Ourga pour préparer la lutte contre la Russie soviétique.(...) A Ourga il met la main sur 200 000 roubles-argent qui le rendirent indépendant et lui permirent de continuer le combat. A ce moment il disposait de 66 sotnia, soit 4 - 5 000 hommes, il ne sait plus exactement, en majorité des Mongols, Tchakhar et autres, et quelques sotnia de Russes. Il justifie les éxécutions parmi la population d'Ourga, et particulièrement les Juifs qu'il juge responsables de la révolution par la nécessité de se débarrasser d'éléments nocifs. Toutes les éxécutions se faisaient avec son accord et étaient organisées par Sipailo. Il éliminaient tous ceux soupçonnés "d'incivilités", ainsi que leurs familles, enfants en bas âge inclus, pour ne pas "laisser la queue", selon ses propres termes.(...
)
En mai (...), laissant 100 hommes sur le front de Kalgansky, après avoir unifié tous les Gardes Blancs mongols il part avec le restant et pénètre en territoire soviétique. Usant de la force, il s'allie les détachements de Casagrandi, Choubine, Toubanov, Kazantsev et Kaigorodov. Il écrivit aussi à Annenkov et Bakine mais ne reçut pas de réponse et en raison des grandes distances ne put les rallier à lui. Pour conférer plus d'impact à sa marche il diffusa l'ordre №15, rédigé par le commandant d'état-major Ivanosky et par le professeur Ossendovsky. Ungern se plaint que ce texte ne fasse pas mention du point principal relatif à l'expansion de la race jaune. D'après lui, il en est question quelque part dans les Saintes Ecritures, mais ils ne purent trouver le passage. La race blanche, unie, montée sur des vaisseaux et des chariots de feu, doit marcher vers la jaune. Il y a une confrontation et la jaune l'emporte. Puis vient Mikhael. Ungern dément avoir à l'esprit Romanov quand il parle de Mikhael, et dit ne pas savoir qui est ce Mikhael des Ecritures. A la question " Qui lui a donné les pleins pouvoirs pour commander à tous ces détachements ?", il répond que le droit est du côté du plus fort et écarte catégoriquement toute intervention, sous quelques formes que ce fut, de Sémionov et des alliés (Occidentaux et Japonais) (...) Il dément également avoir eu des liens avec les Blancs de Russie.(...) Il explique l'échec de son plan par le manque d'informations dont il disposait sur la Russie ainsi que par les fautes des commandant qui n'auraient pas exécuté ses ordres.(...) Après sa capture, il suppose qu'il n'y a aura plus personne pour réaliser ses plans, et qu'en Mongolie ne subsisteront que quelques petits régiments. Il explique ainsi les chiffres 1290 et 1330, mentionnés à la fin de l'ordre №15 : 1290 jours doivent s'écouler entre la date du décret fermant les églises et le jour de la bataille, et 1330 jours jusqu'à la victoire sur les Bolchéviks.(...) Il ne sait rien des tentatives du Japon de s'emparer de la Mongolie (...) Il émet l'hypothèse qu'il y aura une guerre, inévitable, entre le Japon et l'amérique au cours de laquelle l'Angleterre se rangera aux côtés du Japon.(...) Il ne peut concevoir un gouvernement populaire en Russie et est fermement convaincu que le pouvoir ira inévitablement aux Juifs, les Slaves étant incapables d'édifier un état et les seuls gens capables en Russie sont les Juifs. Selon lui le peuple russe dégénère, physiquement et moralement, et cela conduira à sa disparition. A la question : "Quel regard portez-vous sur le communisme ?" il répond : " A sa façon c'est une religion; beaucoup de religion se passent de Dieu, et en particulier les religions orientales qui, si vous les connaissez, édictent des préceptes de vie et définissent la forme que doit prendre l'état. Ce que Lénine a fondé, c'est une religion. Je ne peux croire que les gens se battent pour leur patrie martyrisée. Non, on se bat toujours au nom de la foi."



Interrogatoire de Roman F. Ungern du 7 septembre 1921 [ville de Novonikolaevske (Novossibirsk ndlr)]
sont présents : les camarades Tchoutskaev, Davidof, Afanassiev, Mouline, Bejanov, Belejev et Pavlounovsky.
(...)
Afanassiev : - Vous voulez dire que l'attaque de la Russie s'imposa d'elle-même ?
Bejanov : - Lors de l'attaque de Troiskossavsk, vos détachements et ceux de Rézoukhine agissaient-ils séparément ?
Ungern : - Non, mais j'avais de très mauvais chevaux et je suis parti au sud. Les plans étaient synchronisés mais les actions furent retardées.
Bejanov : - Et quand vous avez attaqué Troitskossavk, saviez-vous que des troupes de Rézoukhine s'en allaient ?
Ungern : - Non, je n'avais pas de renseignements. Je n'allais pas sur Troitskossavsk mais sur Kiarta.
Davidof : - Comment expliquez-vous que le contact fut perdu ?
Ungern : - En raison des distance immenses, les émissaires ne peuvent arriver à temps.
Bejanov : - Vous voulez dire que vous n'utilisiez que des courriers à cheval ?
Ungern : - Oui.
Bejanov : - Après l'attaque de Troitskossavsk vous étiez au courant que les Rouges se dirigeaient vers Ourga. Comment le saviez-vous ?
Ungern : - Quand on est contrarié, on agit. (...)
Afanassiev : - Sur quoi se fondait une telle certitude ? Quand vous occupiez Ourga cela ne vous inquiétait pas, mais ensuite vous dites nous allons attaquer au plus vite ? Vous trouvez que nos troupes sont peu combattives mais affirmez que quand quelqu'un est contrarié il passe à l'action... D'où la question : Pourquoi abandonnez-vous Ourga malgré sa forte valeur symbolique.
Ungern : - Certes, mais je ne me sentais pas ferme sur mes positions. De plus, Ourga avait perdu de son prestige politique. Si nous avions eu de grands succès en Russie soviétique, alors le pouvoir dans la ville se serait consolidé de lui-même. Mais là, je sentais qu'ils (les Mongols ndlr) allaient passer dans l'autre camp.
Bejanov : - Qu'est-ce-à-dire dans l'autre camp ?
Ungern : - Dans le camp soviétique.
Davidof : - Et comment expliquer cette perte d'autorité à Ourga ?
Ungern : - Les gens veulent manger, avant tout.( ...)
Bejanov : - Quand vous êtes concentré dans la région de Baroun-Dzassaka et apprenez qu'Ourga est tombée, vous ne songez pas à y retourner ?
Ungern : - Non, je savais par avance qu'ils allaient passer à l'ennemi. C'était beaucoup plus avantageux pour eux...Tous les plans étaient par-terre.(...)
Davidof : - Disposiez-vous d'une radio ?
Ungern : - Oui.
Davidof : - Elle émettait ou c'était seulement un récepteur ?
Ungern : - Les deux. (...)
Davidof : - Vous avez essayé d'émettre ?
Ungern : - J'aurais aimé, mais je ne l'ai pas fait.
Davidof : - Pourquoi ?
Ungern : - Parce que les conséquences sont désastreuses...Pas spécialement désastreuses en fait, mais nombreuses, tout le monde se met à commander.
Davidof : - Pourquoi n'avez-vous pas tenté de communiquer avec Tchita, ou Irkoutsk ?
Ungern : - Si je l'avais fait, les Mongols se seraient mis à discuter avec les Chinois, alors je l'ai cachée.
Davidof : - A qui appartenez-t-elle ?
Ungern : - La question ne se posait pas. Je la gardais.(...)
Afanassiev : - Vous aviez dans vos rangs des Russes, des Mongols, des Bouriates. Qu'est-ce-qui les faisait tenir tous ensembles ?
Ungern : - La discipline.
Afanassiev : - Vous avez déclaré qu'étaient représentées environ 16 "nationalités"; parmi eux des groupes aux caractéristiques très différentes dont seulement un petit noyau de Russes qui peut-être étaient motivés par une idée , mais qu'est-ce qui stimulait les autres ?
Ungern : - Leur psychologie n'est pas du tout la même que celle des blancs. Il place très haut la loyauté, la guerre est une histoire d'honneur et ils aiment le combat. Seulement de nos jours, ces 30 dernières années, on a imaginé pouvoir se battre au nom d'une idée. Obéir, c'est tout, et sans discussion.
Belejev : - On a l'impression que vous disposiez d'un encadrement. Pour les mesures punitives il y avait Sipailo. Rézoukhin était là aussi, et après il y a une masse où l'on se débauche, et encore les Mongols, et ces Japonais à la peau sombre... Y-avait-il un noyau de personnes réunies par leur passé, ou bien par le fait qu'ils ne pouvaient plus sans risques se rendre sur le territoire soviétique ?
Ungern : - Les choses se passaient ainsi : Je ne les différenciais pas de cette manière. Un type se présentait, alors on l'engageait et il pouvait monter en grade etc...Mais ceci ne fonctionne qu'avec les Russes; de tous les peuples le russe est le plus anti-militariste, et on ne peut le forcer à se battre que dans des situations sans issue, quand il lui faut bouffer.(...)
Belejev : - Selon vos intentions et conformément à votre idéologie, sans que celle-ci n'est jamais été, peut-être, clairement formulée, il était nécessaire de conquérir toute la Mongolie et même, cela parait évident, un territoire dans les limites de l'empire de Gengis Khan. Kaigorodov, Kazantsev se sont ralliés à vous; avec Bakitcha cela ne s'est pas fait. Que vont-il faire à présent, sur quoi peuvent-ils compter ?
Ungern : - Le sort en décidera. Les ordres sont des bouts de papier.
Belejev : - Vous ne croyez pas que le tour pris par votre destin va influer sur le leur ?
Ungern : - Moralement, oui.
Mouline : - Quel regard portiez-vous sur l'Armée Rouge avant de la connaitre ?
Ungern : - Je la voyais pire que cela.
Mouline : - Et d'après vous, quelles sont les raisons de l'échec de l'attaque de Troitskossavsk ?
Ungern : - D'abord, je ne voulais pas attaquer Troitskossavsk.
Belejev : - Quelles indications fournissent les soldats de l'Armée Rouge ?
Ungern : - Au début aucunes, mais une fois qu'ils sont au milieu des leurs, ils se laissent aller.
Belejev : - Quel regard portez-vous sur les partisans de Sémionov ? (...)
Ungern : - Sémionov a entrepris quelque chose d'authentique et il avait très bien débuté, mais après, tout un groupe de bons-à-rien s'est infiltré, des espèces de lâches se sont mis à l'entourer et à lui brouiller l'esprit. Parmi eux impossible de trouver un type correct.

" Le procès est fixé à 12 heures le 15 septembre (1921) dans le parc Sosnovka. Longtemps avant l'ouverture on se presse dans le parc. Le théâtre où doit se dérouler le procès est rempli. Une majorité d'hommes. Avant tout des ouvriers et des gardes rouges. Beaucoup d'agitation.(...)

début du procès :
Le tribunal révolutionnaire entre, tous se lèvent. Le président Oparin déclare la séance ouverte. Entre l'accusé. Ungern porte une tunique mongole jaune avec des épaulettes d'officier. Il est de grande taille, avec une barbe rousse et de grandes moustaches de cosaque. Il semble fatigué mais se tient bien droit. Il répond aux questions avec sincèrité, parle doucement et brièvement.

Interrogatoire d'Ungern :
Le président du tribunal pose les questions :
- A quel parti appartenez-vous ?
- A aucun.
- Quel était votre rang avant-guerre ?
- Adjudant-chef.
- Quel grade avez-vous obtenu de Sémionov ?
- Général.
- Citoyen Ungern, vous reconnaissez-vous coupable des chefs d'accusation ?
- Oui, à l'exception d'un seul : celui de collaboration avec les Japonais.
Le procureur général mène ensuite les débats :
Procureur : - Accusé, pourriez-vous nous en dire plus sur vos origines et sur la lignée des barons Ungern von Sternberg, allemands et baltes.
Ungern : - Je ne sais rien de tout cela.
Procureur : - N'y-a-t-il pas eu dans votre famille des personnages célèbres, en Estonie et sur la Baltique ?
Ungern : - En Estonie il y en eût.
Procureur : - A quand faites-vous remonter votre généalogie ?
Ungern : - A 1000 ans.
Procureur : - Comment vos aieuls se sont-ils illustrés au service de la Russie ?
Ungern : - 72 morts au combat !
Procureur : - Quand avez-vous servi chez Wrangel ?
Ungern : - Dans le premier régiment de Nertchinsk.
Procureur : - Savez-vous que dans certains documents il est écrit que vous souffrez du vice d'alcoolisme ? Avez-vous été condamné pour ivrognerie ?
Ungern : - Non.
Procureur : - Et pour quelles raisons vous a-t-on alors condamné ?
Ungern : - J'avais rossé l'adjudant-chef.
Procureur : - Pour quels motifs ?
Ungern : - Il ne s'était pas occupé du logement.
Procureur : - Vous avez souvent battu les gens ?
Ungern : - Rarement, mais cela est arrivé.
Procureur : - Pourquoi l'avez-vous battu, pas seulement à cause du logement ?
Ungern : - Je ne sais plus, il faisait nuit.
Nous apprenons ensuite qu'Ungern fut envoyé en 1917 à Vladivostok, puis à nouveau se rendit sur le front avec un régiment du Caucase, et qu'en octobre 1917 il se trouve à nouveau dans la région de Transbaikalie où Sémionov organise à ce moment ses détachements de Bouriates.(la suite demain)
(...)

Interrogatoire d'Ungern (suite)
Au moment de la formation du pouvoir soviétique Ungern se trouvait à Tchita, commençant dès le mois de décembre à mettre sur pieds des régiments pour lutter contre le pouvoir révolutionnaire et en faveur de la monarchie.
Procureur :- Y-a-t-il des points communs et des divergences entre votre démarche et celle de Sémionov ?
Ungern : - Oui. J'ai constitué une troupe pour défendre la monarchie, et Sémionov pour défendre l'Assemblée Constituante (de janv.18 ndlr). J'étais persuadé que l'Assemblée Constituante amènerait la monarchie.
A la question du procureur : "Que vouliez-vous institué, quel état ?", Ungern répond qu'il envisageait une dictature militaire.
Procureur : - Qu'entendez-vous par 'dictature militaire' ? "
Ungern : - Un commandement unique, et ce type de commandement débouche sur la monarchie.
L'accusé affirme par la suite qu'il servait Sémionov, et celui-ci Koltchak. Il considérait Sémionov comme son "chef", son supérieur hiérarchique.(...)
Procureur : - Avez-vous ordonné d'incendier des villages ?
Ungern : - Oui, les troupes agissaient selon mes ordres.
Procureur : - Quand vous vous dirigiez vers Menzou en détruisant villages et hâmeaux, étiez-vous au courant que l'on jetait les gens dans les roues, dans les puits, et que, de manière générale, ils subissaient des cruautés de caractère bestial ?
Ungern : - C'est faux.
(...)
Plus loin il apparait qu'Ungern, selon ses dires, n'incendiait que les villages de bolchéviques. Il assure que ces villages étaient inhabités, vides.
Procureur : - Où étaient passés les villageois ?
Ungern : - Ils s'étaient enfuis.
Procureur :- Ne croyez-vous pas que votre seul nom suffisait à les remplir d'effroi, et qu'ainsi ils s'enfuyaient à votre approche ?
Ungern : - C'est vraisemblable.
Procureur : - Quand Ourga fût prise, y-eût-il des meurtres, des pillages ?
Ungern : - Oui. Au début les soldats affrontaient les soldats, mais après les Mongols s'en prirent aux Chinois.
Procureur : - Avez-vous donné l'ordre d'arrêter toutes les perquisitions, sauf celles concernant les Juifs ?
Ungern : - Oui, j'ai déclaré tous les Juifs hors-la-loi.
Procureur : - Qui a ordonné de fusiller les membres du Central-Soyouz ?
Ungern : - Moi.
Procureur : - Pourquoi ?
Ungern : - Ils servaient le pouvoir soviétique.
Ensuite viennent des témoignages sur les exécutions en Mongolie et en Russie (...) Ungern déclare avoir autorisé l'exécution du prêtre Parniakov car celui-ci était le représentant d'un comité quelconque. A la question du procureur : "De quel comité ?", Ungern ne sût répondre précisément.
Procureur : - Saviez-vous que Sipailo spoliait et torturait les habitants, les battait avec un bambou jusqu'à les écorcher ?
Ungern :- J'étais au courant.
Procureur : - N'étiez-vous pas au courant qu'il s'emparait des biens et de l'argent de ceux qui lui tombaient entre les mains ?
Ungern : - Non.
Procureur : - Vous deviez l'être, car il volait pour remplir les caisses, et il fallait subvenir aux besoins de la troupe.
Ungern : - Possible.
Procureur : - Quelles peines autorisiez-vous ?
Ungern : - Exécution par balles et pendaison.
Procureur : - Et le bâton ?
Ungern : - Avec la population non, avec les soldats oui.
Procureur : - Jusqu'à combien de coups, et sur quelles parties du corps : sur les jambes ou bien sur tout le corps ?
Ungern : - Sur tout le corps, jusqu'à 100 coups de bâton.
Procureur : - Immobilisiez-vous les gens sur la glace ?
Ungern : - Oui, quand nous étions en expédition.
Procureur : - Et la population aussi ?
Ungern : - Non, seulement les soldats, ceux mis aux arrêts.
Procureur : - Et avec les femmes ?
Ungern : - Non.
Le procureur propose de lire une déposition d'Ungern quand celui-ci se rappelle qu'une femme avait été assise sur le feu.
Procureur : - Vous l'avez attachée sur le couvercle chauffé au rouge ?
Ungern : - Oui.
Procureur : - Ces mesures étaient-elles comme des punitions ou bien des tortures ?
Ungern : - Des punitions.
(...)
Plus loin il apparait qu'Ungern avait même établi un contact avec les Khounkhouz, leur proposant une action commune, selon ses mots, contre la Chine révolutionnaire. Il considère que la légende selon laquelle un "baron Ivan" viendrait libérer la Mongolie, le désigne.(...)
Procureur : - Vous avez écrit que l'internationale communiste a pris naissance il y a 3000 ans à Babylone, croyez-vous à cela ?
Ungern : - Toute l'Histoire le prouve.(...)
Procureur : - Ne trouvez-vous pas que votre "croisade" illustre de manière exemplaire le destin de toutes les aventures récentes menées au nom des mêmes idées, et n'estimez-vous pas que ce fut la dernière d'entre-elles ?
Ungern : - Oui, la dernière. Je suppose que c'était la dernière.
L'interrogatoire du procureur s'achève ici. A la question du tribunal, "A-t-il donné l'ordre d'éliminer tous les Rouges ainsi que tous ceux soupçonnés de sympathie envers eux ?", Ungern répond par l'affirmative.
(...)
paru dans "la Russie soviétique" (Novonikolaevsk), №200 (560), 17 septembre 1921. C.4.




"Je n'oublierai jamais la terrible inspection que nous avons dû subir en nous présentant au recrutement. Les minutes semblaient des siècles et nous étions tous au bord de la rupture nerveuse. Pour la première fois je vis le Baron et déjà, je ne regrettais pas de ne pas l'avoir rencontré plus tôt. Il était grand et maigre, avec le visage émacié de l'ascète. Il avait les yeux bleus aqueux, le regard fixe et pénétrant. Il disposait du don redoutable de lire dans les pensées. Une volonté de fer et une résolution sans failles animaient ses yeux jusqu'à un point relevant de la folie, du diabolique.(...) Il avait les mains anormalement longues et une petite tête logée entre deux larges épaules. Le front était large avec une horrible cicatrice, marque d'un coup de sabre, sous laquelle s'agitaient des veines rouges. Ses petites lèvres blanches étaient sévèrement fermées et de longues moustaches blondes retombaient en désordre sur un étroit menton. Un oeil était un peu plus haut que l'autre. Il portait un bonnet sale, une courte veste de soie chinoise couleur grenat, un pantalon militaire bleu foncé et de grandes bottes bouriates pour les longues équipées. Dans sa main droite il tenait son célèbre bambou, il n'avait pas d'autre arme.
Il fit lui-même l'inspection. Il s'arrêtait devant chacun séparément, le regardait fixement quelques secondes et ensuite hurlait : "Bon pour la troupe", "Retour au bercail", "Liquider". Tous les hommes ayant des défauts physiques furent fusillés.*(...)
Sorte de chevalier errant, de bandit, de par ses origines et ses manières, le Baron mena une vie entière, remplies d'aventures passionnantes et ininterrompues. Au début des années 20, avec ses croyances, inclinaisons, il était déjà comme un "vieux". S'il avait pu naître au Moyen-Age, sans doute serait-il devenu un guerrier célèbre, mais il n'y avait pas de place pour lui au 20-ème siècle. Son rêve de créer un empire en Asie centrale avec des hordes de nomades sous sa direction était d'un autre temps. Ses maîtres bouddhistes lui ayant enseigné la réincarnation, il était persuadé qu'en tuant de simples gens il leur rendait un service, car ils acquéraient ainsi une forme supérieure dans leur vie suivante. Toutes ces doctrines à propos d'un "homme supérieur" l'avaient rendu sans pitié, envers soi mais aussi les autres. On lui avait dit qu'il était le dieu de la guerre réincarné, (...) et dans son esprit déséquilibré il se prenait pour le sauveur du monde."
Д.Д. Алешин - D.D. Alechine, officier de Koltchak
*note de Kouzmine : d'autres récits contredisent cette description.

sources : "Le baron Ungern dans les documents et les mémoires", sphère Eurasia, Kouzmine 2004


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